Pleins Feux sur le Centre culturel Frontenac

par Isabelle Bourgeault-Tassé

La Francophonie au cœur de la Limestone City.

On était en 1980, à Kingston, en Ontario, la Limestone City.

Une époque où les Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes cherchaient à se dire et à se définir par leurs artistes, leurs institutions et l’exercice de leurs droits linguistiques en situation franco-minoritaire.

Une époque où rien n’était impossible. Y compris ici, à Kingston.
Ici, où la collectivité rêvait, bras dessus bras dessous, solidaires, investis de tout cœur dans la création du vivre-ensemble de toute une communauté. Né de cette lumineuse époque franco-ontarienne, le Centre Culturel Frontenac allait solidariser la communauté francophone et francophile en faisant rayonner les arts et la culture à Kingston et dans les Mille-Îles

En français.

« C’était le désir des gens de la place – qui étaient en situation linguistique profondément minoritaire – d’avoir un lieu commun où ils pouvaient avoir des rencontres, développer des projets et se donner un coup de main les uns aux autres », explique Marie-Noël Cyr, directrice générale du Centre culturel Frontenac.

Jeune de ses presque 45 ans, le Centre culturel Frontenac est certes ancré dans ses racines. Mais il est également le fruit d’une francophonie vibrante et visible à Kingston, riche des arts de la scène, de la culture et de la complicité humaine.

 

 

Les temps ont été durs pour les rêveurs et les artistes (pandémie oblige !) – mais, selon Marie-Noël, un vent de renouveau souffle sur la scène artistique de Kingston : « Tout d’un coup, le vivre-ensemble reprend, parce que les gens se sont bien ennuyés d’être pris chacun dans leur petit cocon !»

« Ce soir, au Théâtre l’OCTAVE par exemple, c’est Pandora Topp qui chante Piaf » s’exclame-t-elle. « On va accueillir les gens avec un café parisien – des tables rondes, une odeur de café corsé, des serveurs habillés en serveurs de cafés – ça va être extraordinaire ! »

 

 

La saison artistique 2023 du Centre culturel Frontenac tient la promesse des rêveurs de Kingston avec une saison fulgurante: Concerts ! Théâtre ! Cinéma ! Festivals !

En français !

Le mois dernier, le Centre culturel Frontenac s’est également allié au Reel Out Queer Film Festival (26 janvier – 5 février) afin de présenter une sélection de courts-métrages en français sous-titrés en anglais et annoncant également un partenariat avec le Kingston Canadian Film Festival (2-5 mars).

En février, le Centre culturel Frontenac accueille le célèbre Vaches ! The Musical (11 février), qui évoque le « tenir debout », des Franco-Ontariens face à l’adversité pendant la tempête de verglas de janvier 1998). Il unira également ses forces au Live Wire Music Series afin de présenter un spectacle bilingue en double plateau avec la chanteuse franco-ontarienne et abénaquise Mimi O’Bonsawin et le Néo-Écossais, Ian Sherwood (24 février).

À l’aube du printemps kingstonien, ce sera au tour de Mario Tessier (4 mars), l’humoriste au grand talent de conteur, de monter sur les planches et faire rire son public. S’ensuivra des spectacles du groupe Les Bouches Bées (14 avril), un quatuor qui « courtise une approche presque cajun pour soutenir leurs textes francophones bien ficelés » et de Damoizeaux (24 mars), un groupe pop-jazz au « parfum de cinéma et de poésie ».

En avril, le Centre culture Frontenac présentera la pièce de théâtre Intrusions (28 avril), montée par le Théâtre de la Vieille 17 (Ottawa, Ontario) et le Théâtre populaire d’Acadie (Nouveau Brunswick), qui confronte son spectateur à l’humour, la rage et la détermination d’une aînée face aux défis du milieu de la santé.

En mai, Lua Shayenne présentera La calebasse aux cauris (27 mai), un conte africain intemporel dédié aux tout-petits. La pièce de théâtre offre le récit de la petite Yassama qui, avec l’aide d’un vieux Baobab et d’une mystérieuse calebasse, tentera de sauver sa communauté de la sécheresse.

Avec des racines en Acadie, en Ontario, au Québec, d’Afrique et d’ailleurs, ces artistes représentent la pluralité du Canada francophone. Ici, à Kingston, on retrouve la Francophonie dans toute son universalité et ce, dans la bonne humeur collective.

 

 

« Kingston est une destination de choix pour les touristes francophones, assure Marie-Noël. « Partout où un touriste va rentrer, il y aura quelqu’un qui assurément parlera français ou qui regrettera de ne pas en avoir assez pratiqué son français ».

Citant l’exemple de la complicité qui émerge parmi les francophones et francophiles lors des 5 à 7 Franco animés par le Centre culturel Frontenac à chaque deuxième jeudi du mois, Marie-Noël illustre la complicité et la fraternité qui existent chez les habitants de Kingston face à la langue française.

« Les gens d’ici ont compris depuis longtemps qu’il était bien d’être bilingue, ou même trilingue ! Quadrilingue ! Tout le monde prend le français au sérieux – on comprend l’importance de maintenir la langue française », explique-t-elle.

Les touristes francophones, ajoute-t-elle, qu’ils soient du Québec et au-delà des frontières canadiennes, ressortent rarement indemnes d’un échange avec les Franco-Ontariens. Immergés dans les réalités culturelles et linguistiques franco-minoritaires en Ontario, ils développent une nouvelle solidarité qui s’étend au-delà des frontières, des parlés et des accents : « Tout d’un coup, ils apprennent à nous connaître et à comprendre nos réalités quotidiennes ici en Ontario, où il faut défendre nos acquis linguistiques », explique-t-elle.

Marie-Noël envisage une saison estivale particulièrement spectaculaire. En partenariat avec le Skeleton Park Arts Festival, le Centre culturel Frontenac accueillera Ariko (24 juin, 2023), un groupe familial de Lafontaine en Ontario qui « fait rayonner les harmonies veloutées et les violons fougueux des sœurs Lefaive ».

En août, le Centre culturel Frontenac s’alliera avec le Festival Kick and Push, nommé pour le célèbre trajet cahoteux en train, au début du 20e siècle, entre Kingston et Pembroke, afin d’offrir La bulle de Corpus Dance Projects (août 2023), le récit d’un Pierrot « limpide et lunaire », présenté en plein air, au coucher du soleil.

 

Le regard rivé sur l’avenir, le Centre culturel Frontenac s’occupe de et accueille la relève franco-ontarienne, offrant des camps d’été artistiques pour les jeunes artistes en herbe :

« Pour bien vivre sa culture, il faut que celle-ci soit présentée et vécue de façon authentique », conclut Marie-Noël. «Le camp d’été permet aux jeunes francophones de rencontrer de vrais artistes, de réaliser qu’on peut vivre de son art, d’explorer et d’expérimenter et, on espère, développer une appréciation du monde des arts en français » .