Où l’histoire prend vie

par Isabelle Bourgeault-Tassé

Le Musée de l’électronique et des communications militaires 

«Un musée, c’est un récit», déclare Annette Gillis, conservatrice du Musée de l’électronique et des communications militaires, l’un des petits musées de Kingston, qui rend hommage «aux troupes, à l’époque et à la technologie» par le biais d’expositions soigneusement conçues pour éduquer et éclairer les visiteurs. 

«Vous pouvez lire une histoire sur la Seconde Guerre mondiale, mais la lecture ne donne pas une image complète de la situation. Par exemple, notre musée vous permet de découvrir cette histoire à travers des objets – comme la radio n° 33, également appelée radio Maple Leaf, un appareil qui pèse un lourd poids de 630 livres», poursuit Annette. «Notre musée vous permet de découvrir cette histoire à travers des objets, comme cette radio. Au musée des communications et de l’électronique militaires, vous pouvez voir ce que les soldats portaient et l’équipement qu’ils utilisaient». 

La radio n° 33

«Nous ne sommes évidemment pas sur un champ de bataille, mais le musée crée une expérience, une image qui vaut mille mots», explique-t-elle. 

Au Musée de l’électronique et des communications militaires, les aventuriers peuvent se plonger dans les pages de l’histoire canadienne pour découvrir le rôle que les communications militaires et l’électronique ont joué dans les conflits et le maintien de la paix pendant plus d’un siècle. 

Ici, l’histoire prend vie. 

«L’histoire des télécommunications est une partie importante de l’histoire de la branche des communications militaires et de l’électroniqe», commence Annette. «L’une des expositions les plus importantes du musée est celle du JN-4 Canuck, qui illustre l’ingéniosité et les progrès de la technologie des communications militaires au fil des siècles». 

L’exposition du JN-4 Canuck

«Imaginez que vous êtes en pleine Première Guerre mondiale et que vous essayez de comprendre comment communiquer de l’air vers le sol et renvoyer des informations à des fins de reconnaissance. Et en raison de l’espace limité de cet avion, vous pouvez soit recevoir, soit envoyer des informations. Mais quand on voit l’envergure du JN-4 Canuck et celle de la radio, on se rend compte qu’il est effrayant pour un pilote et un passager de partager l’espace avec un moteur et une radio». 

«C’est extraordinaire – de montrer cette échelle au visiteur et de réaliser que dès 1915-16, nous disposions de la technologie nécessaire pour effectuer des reconnaissances aériennes», s’exclame Annette. 

Le Musée de l’électronique et des communications militaires abrite d’autres technologies de communication célèbres et notoires, notamment une machine Enigma, technologie de chiffrement utilisée par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, et des équipements de l’époque de la guerre froide utilisés par les membres de la branche des communications et de l’électronique actifs dans les forteresses souterraines du NORAD. 

Une machine Enigma

Pourtant, l’une des expositions les plus célèbres du musée n’a peut-être rien à voir avec les communications et l’électronique, et témoigne de l’impact du Canada sur le monde. 

Dans la salle commémorative de Vimy, le musée des communications et de l’électronique militaires abrite le Canada en deuil, la femme et l’homme en deuil, des modèles en plâtre à demi-échelle d’une allégorie de l’immense sacrifice du Canada sur les champs de bataille européens au cours de la Première Guerre mondiale. 

La femme en deuil

Créés par le célèbre sculpteur canadien Walter Seymour Allward, les modèles en plâtre de Canada Bereft ont guidé le processus de construction du Mémorial de la crête de Vimy, dans le nord de la France, qui commémore une bataille considérée comme un tournant dans l’histoire du Canada, alors un jeune pays, à un moment où le pays est sorti de l’ombre de la Grande-Bretagne. 

«Le matin, le Canada en deuil est à couper le souffle», déclare Annette. «J’aime être ici 

le matin à la première heure, lorsque le soleil projette des ombres et des lumières sur son visage, encadré par des coquelicots en céramique. Pour moi, c’est l’une des expositions les plus importantes que les gens doivent voir lorsqu’ils visitent le musée». 

Le Musée de l’électronique et des communications militairesne se contente pas de montrer et de raconter : il crée et organise des expériences qui incitent les visiteurs à s’intéresser à l’histoire et à explorer leurs connaissances. Par exemple, en partenariat avec Improbable Escapes, le musée a créé Camp X et Spymaster, des jeux interactifs et des casse-tête qui font appel aux cinq sens, plongeant les visiteurs dans un monde d’intrigues, de secrets et de codage, et les transformant en espions en mission en temps de guerre.  

Le Camp X, explique Annette, était l’une des dizaines d’écoles dans le monde qui servaient le Special Operations Executive, situé sur la rive nord-ouest du lac Ontario entre Whitby et Oshawa en Ontario et créé par l’agence britannique en 1940 pour promouvoir le sabotage et la subversion derrière les lignes ennemies pendant la Seconde Guerre mondiale. 

Le jeu Camp X invite les visiteurs à revêtir un trench-coat, dont chaque poche est remplie d’énigmes – mots croisés, encodage et décodage – invitant ces espions en herbe à s’engager dans les expositions de la galerie consacrées au Camp X afin de déchiffrer les indices. 

Un trench-coat pour le jeu Camp X

«Et parce que les espions sont plutôt cool, nous avons développé un jeu un peu plus difficile appelé Spymaster», explique Annette. «Dans ce jeu, vous êtes un agent et vous devez découvrir qui est l’agent double, le traître, qui s’est retourné contre vous. Comme au Camp X, il y a tout un tas de petits jeux, d’énigmes et d’indices à découvrir. Et pendant ce jeu, vous êtes chronométré. Celui qui termine le jeu le premier gagne – et ces deux jeux sont accessibles aux visiteurs francophones!» 

le jeu Spymaster

Bien que le Musée de l’électronique et des communications militaires abrite de nombreuses expositions dans les deux langues officielles du Canada, Annette souligne que la traduction des expositions en anglais vers le français a été un parcours progressif, mais que le Musée s’est engagé à le mener à bien. 

«Notre visiteur est notre source de motivation», explique Annette. «Nous accueillons de nombreux visiteurs francophones et de nombreux membres actifs et retraités de notre branche et de notre communauté sont francophones. Ne pas proposer le plus grand nombre possible d’expositions en français reviendrait à laisser de côté une grande partie de notre communauté». 

La traduction des expositions, des documents clés et du site web du musée des communications et de l’électronique militaires n’a pas été sans difficultés, mais aussi, explique Annette, un puissant catalyseur de révélations perspicaces et inattendues sur le langage militaire. 

«Les militaires ont leur propre culture, leur propre vocabulaire et parfois, le même mot pour un objet ou un concept peut être utilisé à la fois en anglais et en français. En fait, les soldats francophones à la retraite en rient souvent, parce que nous essayons de prendre ces termes historiques et de les traduire correctement en français – et ils nous disent : «Nous n’aurions jamais appelé ça comme ça». 

Enfin, parvenir à une traduction intégrale en français, c’est aussi rendre hommage aux francophones qui ont servi dans la Branche des communications et de l’électronique au cours de l’histoire du Canada, estime Annette. 

«Quand on pense au code morse, au télétype, ce sont tous des langages spéciaux et c’est un domaine de travail qui a attiré des gens qui étaient doués pour les langues», dit Annette. «Lorsque nous essayons de raconter l’histoire des personnes qui font partie de la Branche des communications et de l’électronique, beaucoup d’entre elles sont francophones». 

Véritable trésor d’histoire, de technologie et d’innovation, l’histoire du musée se dévoile au visiteur, ses expositions et expériences soigneusement sélectionnées mettant en lumière les histoires d’ingéniosité et d’imagination du passé militaire du Canada. 

«Nous sommes un musée de niche», conclut Annette. «Et pourtant, notre public est vaste et incroyablement diversifié. Nous voyons des passionnés d’histoire militaire. Des amateurs d’art. Des archéologues. Des passionnés de technologie. Des jeunes et des moins jeunes. Ils veulent voir les radars, les téléphones, les standards téléphoniques – la machine Enigma utilisée par les Allemands pour communiquer à l’aide de codes pendant la Seconde Guerre mondiale. Le JN-4 Canuck. Canada Bereft». 

«Et tout cela parce que notre musée redonne vie à l’histoire».